Se préparer à la mobilité électrique dans les garages

VEB

Se préparer à la mobilité électrique dans les garages

1 juillet 2020 agvs-upsa.ch – Lorsqu’on est concessionnaire d’une marque et qu’on vend des modèles électriques, les consignes du constructeur et de l’importateur sont claires. Mais les garagistes indépendants, malgré la période économique difficile que nous traversons, doivent eux aussi s’ouvrir à l’éléctromobilité. De l’infrastructure au savoir-faire en passant par le service à la clientèle, de nouveaux champs d’activité apparaissent. Nous en éclairons les principaux aspects.


La performance de charge et le type de tension déterminent la vitesse du processus de charge, mais aussi les coûts d’investissement. Source : AEW Energie AG.​ 

se. Les garages indépendants connaissent la situation : dans la branche automobile, lorsqu’une nouvelle technologie arrive sur le marché, il faut plusieurs années avant qu’elle se généralise sur les véhicules. En matière de technique de diagnostic, d’outils de calibrage pour systèmes d’assistance à la conduite ou de systèmes d’éclairage les plus modernes, le garagiste indépendant a le temps de s’adapter à la nouveauté. 

Le prochain grand changement est la mobilité électrique. De plus en plus de véhicules électriques à batterie (VEB) seront commercialisés. Grâce au cadre politique et aux consignes plus strictes en matière de CO2, le nombre de VEB sans émissions locales va augmenter. Les cantons et la Confédération soutiennent l’encouragement ciblé des VEB et des véhicules hybrides.

N’oublions pas que, grâce aux économies d’échelle comme la nouvelle production industrielle de batteries rechargeables (accumulateurs) au niveau européen chez les constructeurs et les équipementiers, mais aussi grâce au système modulaire, les VEB cesseront de coûter plus cher que les véhicules à combustion dans quelques années. Les hybrides seront alors sous pression, car équiper un véhicule des deux systèmes (moteur à combustion et électrique) restera onéreux.

Mais à quoi un garagiste indépendant innovant doit-il veiller lorsqu’il opte pour une infrastructure pour VEB ? Il s’agit tout d’abord de déterminer la capacité du raccordement de l’entreprise au réseau électrique. Dans les vieux bâtiments, il peut arriver que le raccordement électrique satisfasse aux besoins de l’époque, mais plus à ceux d’aujourd’hui. Les entreprises électriques peuvent y remédier en remplaçant les fusibles principaux (si la ligne supporte plus de courant) ou en réalisant une expansion transversale à un coût abordable. 


La thématique de l’autonomie et la longue durée d’attente lors de la recharge découragent encore les acheteurs d’opter pour un VEB. Les développeurs du groupe Volkswagen en sont conscients, et ils optimisent les durées de recharge. Source : Audi.​

Arrive ensuite la phase de conception. Il apparaît ici que la plupart des entreprises électriques ont acquis le savoir-faire requis dans le domaine de l’e-mobilité. Mais pas dans tous les cas. Lorsque des investissements d’infrastructure importants sont nécessaires, les conseils d’un spécialiste valent la peine. Explications de Daniel Rieben, ingénieur électricien et membre de la direction d’Elektroplan Buchs & Grossen AG à Frutigen : « La distribution des câbles électriques dans un garage peut être coûteuse selon les cas et doit, par conséquent, être conçue avec soin et en pensant à l’avenir. Nous préconisons d’installer des rails conducteurs, ce qui permet d’éviter de poser des tuyaux et des câbles isolés, et de rester flexible – c’est un gros avantage aussi – si l’on veut équiper après coup une station de recharge. »

L’ingénieur voit souvent des réseaux électriques atteindre leurs limites en termes de capacité lorsqu’on utilise trop de bornes de recharge. Il conseille dans ce cas, comme Arian Rohs de l’entreprise AEW Energie AG (voir entretien), d’installer un système de gestion de la charge. Celui-ci régule les bornes de recharge à la puissance maximale autorisée qui est actuellement disponible jusqu’à ce que la puissance de raccordement soit atteinte. Il simplifie aussi le raccordement à une installation photovoltaïque.

La question suivante qu’il faut se poser se situe au niveau de la borne : quel système de charge est judicieux ? D’une part, les systèmes de charge diffèrent selon le type de tension (courant alternatif, AC, et courant continu, DC). D’autre part, la puissance de charge nécessaire est un élément décisif. Là aussi, les deux experts sont d’accord : une borne de recharge/boîte murale de 11 kW AC suffit amplement pour un usage en garage, car il ne s’agit pas de rendre sa voiture au client entièrement rechargée après travaux, mais de recharger suffisamment la batterie pour pouvoir faire une course d’essai ou un CVM.


Avec les chargeurs AC, la puissance de charge est régulée par le chargeur embarqué du véhicule. Seuls les chargeurs DC conduisent l’électricité directement dans la batterie. Source : Protoscar.​

Comme pour la recharge de la batterie de démarrage, un appareil de charge DC est avantageux du point de vue de sa performance : il convertit le courant alternatif en courant continu et assure une performance de charge optimale adaptée à la courbe de charge pour les batteries conventionnelles au plomb, les batteries EFB ou AGM et même celles au lithium, et ce, sans surcharge thermique de la batterie. Les chargeurs DC pour les systèmes à haute tension fonctionnent selon le même principe. Grâce à la communication avec le système de gestion réseau embarqué, la charge est adaptée en fonction du véhicule. La température optimale et la durée de vie ont à cet égard la plus grande importance (voir encadré technique). Pour la charge AC, un appareil de charge embarqué est installé. Il prend l’énergie électrique par une connexion au réseau de 230 V ou, mieux, de 400 V, la convertit en courant continu pour le stockage et gère la puissance de charge.

Du côté du prix, les différences sont énormes : les chargeurs DC sont au moins cinq fois plus chers que les chargeurs AC. Et comme tout véhicule rechargeable possède de toute façon une unité de recharge embarquée, l’achat d’une borne DC onéreuse ne se justifie guère. Pour la nouvelle Porsche Taycan, seule voiture électrique à permettre une puissance de charge de 270 kW, une borne DC coûte plus de 100'000 francs, sans compter l’installation. L’investissement n’est pas rentable pour les garagistes indépendants. Il est préférable d’installer plusieurs bornes AC (y compris mobiles) et d’aménager son réseau de câbles électriques de manière à pouvoir ajouter des bornes par la suite.

En tant que concepteur et promoteur de la mobilité électrique, Daniel Rieben souligne cependant que les garagistes et les clients font face à une difficulté majeure du fait que chaque fournisseur d’énergie commercialise ses propres solutions. Or, du système de réservation au système de paiement, elles sont toutes différentes. L’ingénieur souhaite qu’un système de réservation pour les bornes de recharge se mette en place afin de simplifier la planification des trajets. « Ainsi, on pourrait réduire la taille des batteries. Car les batteries de grande taille font grimper les coûts du véhicule, mais aussi son poids, et contredisent les avantages de l’e-mobilité. »

Arian Rohs fait lui aussi le constat suivant : « C’est souvent difficile aujourd’hui pour le consommateur final, car les fournisseurs d’énergie se facturent les uns aux autres des frais d’itinérance, ce qui rend l’énergie considérablement plus chère. » Le réseau de recharge suisse Evpass a eu l’idée de créer un prix forfaitaire pour l’énergie électrique, avec des frais fixes par mois. Les deux experts se rejoignent aussi sur ce point : la mobilité électrique n’atteint véritablement ses objectifs que lorsqu’on roule avec de l’énergie renouvelable. La Suisse possède encore une grande part d’électricité sans CO2, ou pauvre en CO2. La mobilité électrique sera efficace pour l’environnement quand la production d’énergie sera durable.

La vitesse de charge dépend de la puissance de charge. Plus la charge doit être rapide, plus l’infrastructure coûte cher. Source : Protoscar.

Un point important lorsqu’on réalise un investissement est de former son personnel. Les systèmes à haute tension sont extrêmement dangereux si la batterie n’est pas correctement déconnectée, si la réinsertion est empêchée ou si le système n’est pas mis hors tension correctement. Du côté des importateurs, des cours de formation continue sont prévus pour le personnel des ateliers. Mais des offres intéressantes et peu coûteuses émergent aussi pour les garagistes indépendants. Outre plusieurs offres de l’UPSA avec des partenaires ou des écoles professionnelles, le marché compte également des prestataires de cours indépendants. 

Pour Markus Roth d’Autef, un garagiste indépendant multimarque ne peut pas se passer de continuer à former son personnel. « Les systèmes à haute tension doivent eux aussi pouvoir être diagnostiqués de manière efficace et appropriée. Pour cela, il faut savoir gérer le testeur de diagnostic, mais aussi posséder un grand savoir-faire, notamment en matière de mise à jour Pass-Thru pour le logiciel du véhicule. » Bien que les VEB requièrent moins d’entretien, les hybrides nécessitent toujours des travaux d’inspection complets. Les garagistes ne manqueront pas de travail à l’avenir s’ils se préparent à la nouvelle technologie et restent dans le coup financièrement et techniquement parlant. C’est un investissement qui paiera.
 

Diversité des raccordements : fiche d’alimentation, type de courant, méthode de paiement et puissance de charge​

La diversité des fiches d’alimentation pour les VEB et les véhicules hybrides était énorme. Aujourd’hui, trois types de fiches se sont imposées. Pour le courant alternatif, il s’agit de la fiche de type 2, qui permet un courant de charge alternatif monophasé (type 1) ou triphasé. Pour les systèmes de charge DC, les constructeurs européens se sont concentrés sur la fiche CSS (charge AC ou DC possible). La prise CHAdeMO devient de plus en plus rare (et se retrouve surtout chez les constructeurs japonais), bien qu’elle permette généralement d’utiliser le VEB comme un accumulateur de réseau pour la stabilisation et le stockage intermédiaire (gestion de la charge et de la décharge), par exemple comme une unité de stockage intermédiaire pour les installations photovoltaïques. 

Les possibilités de paiement aux bornes de recharge publiques restent insatisfaisantes pour la clientèle. En principe, chaque fournisseur d’énergie ou d’infrastructure de recharge propose son propre outil de décompte. Le client paie des frais d’itinérance parfois élevés s’il recharge son véhicule à une borne tierce.

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Les possibilités de paiement au moyen d’une carte à puce ou d’une carte de crédit sont modernes : malheureusement, il existe de très nombreux systèmes de décompte différents. Source : Porsche.​


Les fiches d’alimentation les plus répandues pour la recharge. Seule la marque Tesla possédait son propre standard. Source : Protoscar.

La technologie actuelle des batteries et leur recyclage​


Malgré la diversité des matériaux possibles, la structure des batteries litihum-ion se ressemble. Grâce à la recherche, la consommation d’énergie baisse dans la production. Les cellules sont ensuite utilisées dans trois types de structure. Source : RWTH Aachen.​

Les secteurs de l’automobile et des équipementiers ne ménagent pas leurs efforts. De nombreux fournisseurs européens investissent des milliards dans de nouvelles fabriques de batteries pour pouvoir répondre à la demande croissante à des prix abordables. Le FTPM (Forum d’étude suisse pour la technique de propulsion mobile) a présenté l’état actuel de la technologie des batteries dans le cadre d’un webinaire. Le professeur Andrea Vezzini, responsable du centre de stockage de l’énergie de la BFH, a expliqué comment on produit des batteries lithium-ion. Les étapes de la production gourmandes en énergie comme l’application et le séchage des masses actives de la cathode avec une pâte au lithium-ion ainsi que l’application de la structure graphitique sur l’anode sont celles qui génèrent le plus de CO2. De grands progrès ont déjà été réalisés en matière d’économie d’énergie dans la production, grâce notamment au savoir-faire de l’entreprise suisse Bühler. La capacité de stockage a pu être triplée ces dix dernières années. La température au sein du véhicule (idéalement de 18 à 35 °C) est importante pour ne pas détruire les cellules, mais aussi la courbe de charge, qui diffère beaucoup d’une batterie à l’autre. Lorsque la batterie présente encore 80 % de sa capacité nominale, on parle de « fin de vie » (End of Life). 

En s’appuyant sur la recherche, Andrea Vezzini indique que les batteries actuelles ont une résistance au cyclage si élevée qu’une autonomie théorique de jusqu’à 450'000 kilomètres est possible. À côté du vieillissement cyclique, il ne faut pas sous-estimer le vieillissement calendaire. 

Celui-ci ne dépend pas de l’usage, et s’explique surtout par des processus de dégradation chimiques. Le professeur identifie trois principaux axes de développement : l’abandon du cobalt, la réduction de la résistance interne et l’augmentation de la densité de puissance. Dans son exposé, Andreas Hutter, Senior Project Manager chez CESM SA, a parlé des possibilités d’amélioration concrètes. Il a mis en relief qu’une recharge rapide à haute puissance tend à faire augmenter la formation de dendrites. Lors de charges rapides, on observe des accumulations de lithium-ion en forme de cristaux, ce qui augmente le danger de surcharge thermique ponctuelle et réduit la capacité. L’état de charge optimal devrait donc se situer entre 20 et 80 % de la capacité nominale, et la capacité de charge n’être utilisée au maximum qu’en cas d’exception. Le recyclage et l’usage ultérieur ont également été abordés par Christian Ochsenbein, collaborateur scientifique au centre pour le stockage de l’énergie de la BFH. Dans ce secteur, de nombreuses possibilités sont envisagées quant à la manière dont les batteries peuvent être réutilisées comme batteries stationnaires, et finalement recyclées.
 









Les cellules individuelles de la batterie lithium-ion sont assemblées en modules, puis en batterie à haute tension. Dans ce processus, la gestion de la charge avec des capteurs de température et de tension est très importante. Autres difficultés : le refroidissement et le chauffage des modules ainsi que leur placement antichoc. Source : Porsche.

À quoi le garagiste doit-il veiller en termes d’infrastructure de recharge ?

Le nombre de VEB continuera d’augmenter. Pour le garagiste, cela signifie qu’il doit se préparer à la nouvelle technologie et s’équiper. Les experts estiment qu’en 2035 déjà, la proportion des véhicules rechargeables s’élèvera à 50 %. Les conseils d’Arian Rohs, responsable de l’équipe de planification chez AEW Energie AG Aarau.​

Monsieur Rohs, comment un garagiste peut-il se préparer à la mobilité électrique ?
Arian Rohs : La mobilité électrique va gagner du terrain, et même les garagistes indépendants feraient bien de s’intéresser à cette tendance d’avenir. Lors de nos contacts directs avec les entrepreneurs, nous constatons qu’ils ont besoin d’un soutien technique, car il s’agit d’une nouvelle technologie et aussi d’un gros défi pour bon nombre d’entre eux. 

Quelle est l’infrastructure minimale nécessaire pour recharger efficacement un VEB ?​
Notre expérience montre que selon la taille de l’entreprise, un ou plusieurs chargeurs à courant alternatif (AC) d’une puissance de 11 kW et un chargeur rapide à courant continu (DC) suffisent, ce dernier n’étant pas indispensable. Le raccordement électrique de l’entreprise est souvent de dimension suffisante. Si la ligne d’alimentation est conçue pour 50 A et que le garagiste a désormais besoin de 80 A, on peut changer les principaux fusibles ou renforcer le réseau. Les coûts pour le client sont abordables, car la mise à disposition du réseau est notre tâche, en tant que fournisseurs d’énergie.  

On trouve différentes fiches d’alimentation et différentes puissances de charge sur le marché. Quelle technologie va s’imposer ?
Effectivement, jusqu’à il y a quelques années, c’était la jungle. Aujourd’hui, deux types de fiches se sont imposés en Europe : la prise triphasée de type 2 pour le courant alternatif et la prise CSS pour le courant continu. Seule la marque Tesla avait son propre standard. Les puissances de charge dépendent de la taille des batteries. C’est l’appareil du véhicule qui indique à la borne la quantité d’électricité qu’il peut emmagasiner. Par conséquent, l’infrastructure de recharge est flexible, et grâce au système de gestion intelligent, on peut également réguler la charge du réseau. 

À combien s’élèvent les coûts d’investissement pour un garage PME, et le garage doit-il offrir l’énergie gratuitement à ses clients ?​
Une borne de recharge AC coûte environ 2000 francs. Si l’on prévoit d’acheter une borne de recharge rapide DC, il faut compter 10'000 francs, et parfois bien plus selon la puissance. Il ne faut pas négliger non plus l’installation, du tableau principal à la borne de recharge, mais il est souvent possible de la réaliser à bas prix dans les ateliers. Par rapport au deuxième point soulevé, le propriétaire d’une voiture à combustion ne s’attend pas non plus à ce que le garagiste fasse gratuitement le plein pour lui à l’issue d’un service. L’énergie électrique est précieuse elle aussi, et ne doit pas être offerte gratuitement au client. Les abonnements forfaitaires peu onéreux que nous proposons à travers l’entreprise Evpass sont intéressants, car ils permettent de limiter les frais de recharge.




Depuis 2016, Arian Rohs travaille avec une équipe de quatre collaborateurs dans le domaine de la mobilité électrique. Depuis 2018, le fournisseur d’énergie est associé à l’entreprise Evpass, de Lausanne, qui gère des bornes de recharge publiques (actuellement environ 1600 dans toute la Suisse). Source : AEW.

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